Tudchentil

Les sources sur les gentilshommes bretons

L'histoire de Keroulas

Du Moyen Âge à nos jours

Par la famille de Keroulas.

Depuis le Moyen-Âge, le berceau de la famille de Keroulas se trouve au manoir de Keroulas à Brélès, en Pays de Léon. Plus de 6 siècles et près de 20 générations plus tard, cette belle demeure du XVIIe siècle est toujours la résidence de descendants de la famille.

Le manoir de Keroulas conserve de précieuses archives dont les plus anciennes datent de la fin des années 1300. Elles ont permis de remonter aux périodes les plus reculées de l’histoire familiale.

Le nom de famille de Keroulas s’est éteint en Pays de Léon au XVIIIe siècle. Les Keroulas d’aujourd’hui descendent de Ronan Mathurin de Keroulas (1730-1810) qui s’installe vers 1764 au manoir de Tal ar Roz au Juch près de Douarnenez. Sa nombreuse postérité estimée à plus de 5.000 personnes a surtout essaimé au Juch et dans les communes environnantes.

Ce beau livre illustré, travail collectif de plusieurs enfants de la famille, vous invite à plonger dans la destinée des Keroulas, à suivre son évolution au fil des siècles et à découvrir de nombreux épisodes parfois très surprenants.

Le livre est en vente chez l’éditeur aux éditions Récits au prix de 35 €.

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Affaire Bellingant/Hautefort - Lettres du comte d’Hautefort (1725-1727)

Dimanche 1er mars 2020, transcription de Karl Enz.

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Bibliothèque nationale de France, Département des Manuscrits, Clairambault 1087, fol. 56.

Citer cet article

Bibliothèque nationale de France, Département des Manuscrits, Clairambault 1087, fol. 56, transcrit par Karl Enz, 2020, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 6 octobre 2024,
www.tudchentil.org/spip.php?article1341.

Affaire Bellingant/Hautefort - Lettres du comte d’Hautefort (1725-1727)

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Lettres du comte d’Hautefort au comte de Saint Quentin,et à mademoiselle de Kerbabu, avant et depuis son mariage avec elle

.


 

A monsieur, monsieur le comte de Saint Quentin, capitaine des vaisseaux du roi, en son château de Saint Quentin à Avranches [1].

 

A Brest le vingtième aoust 1725.

 

Vous sçavez ce que vous m’avez promis, mon cher Comte, de venir passer chez moi une quinzaine, plus ou moins, comme vous le jugerez à propos [2]. Madame d’Epinay m’ayant mandé, que puisqu’elle n’avoit pas pu venir à Brest, elle vouloit aller à Hauterive, je lui ai accordé, comme vous croyez bien, la permission des grands chemins : elle me mande portant qu’elle souhaiteroit fort que vous emmenassiez avec vous Mademoiselle de Kerbabu ; elle doit vous en écrire, et ma nièce aussi. Comme vous êtes tous les deux un peu paresseux pour le ménage, je croi que Madame la comtesse de Saint Quentin vous permettra à l’un et l’autre, de me faire l’honneur de me venir voir, et d’y boire de mon bon vin de mon crû. Je vous repete véritablement que vous me ferez beaucoup de plaisir.

Il s’agit presentement de vous envoyer des relais. Je croi, selon moi, que votre chemin est de venir à Mayenne. Marquez-moi ce que vous voulez de chevaux de selle, qui sont très doux à monter ; j’y envoirai aussi ma chaise : le plutôt n’est que le mieux. Je serai chez moi au plûtard, le 30 ou 31. Mon adresse est à Hauterive près Laval, pays du Maine, à Laval.

Comme les postes sont de traverse, il seroit plus à propos que vous m’envoyassiez le chevalier de Belingant [3], pour me rendre compte de [page 2] sa navigation, et quel relâche il y a, pour que j’envoye au-devant de vous ma cavalerie. Autant que je peux me ressouvenir, quand j’ai eu ma petite verole à la Tournerie, pas tant petite, je suis venu coucher à Mayenne en litiere. Voilà tout ce que la memoire du bon homme lui permet de se ressouvenir. Marquez-moi combien il vous faut de chevaux de selle, en ayant quatre au moins ; pour ma chaise, elle sera bien attelée de mes chevaux de carosse. Adieu, mon cher Comte, je vous souhaite une bonne santé ; tenez-vous gaillard, c’est ma maxime. Je suis à vous sans reserve, d’Hautefort.

Mes respects très-humbles à Madame la comtesse de Saint Quentin et mesdemoiselles de Saint Quentin et de Belingant ; j’espere pouvoir passer chez vous en m’en retournant à Paris.

Après avoir agi avec beaucoup de politesse et d’envie de vous voir l’un et l’autre, je vous ordonne, comme votre general, de n’y point manquer : j’espere que Madame la Comtesse de Saint Quentin sera de mon côté.


 

Au même, avec même adresse.

 

Je suis très-fâché, mon cher Comte, de vos incommoditez ; j’espere avoir le plaisir de vous embrasser, si les chemins le permettent, dans les premiers jours d’octobre. Il s’agit presentement que Madame la Comtesse de Saint Quentin fasse honneur à la lettre de change que ma sœur lui envoye ; en revanche il faut que vous et elle l’acceptiez, en permettant à Mademoiselle de Kerbabu de venir à Hauterive. Madame d’Epinay rend compte à Madame de Saint Quentin, du parti qu’elle prendra quand elle partira d’ici, pour qu’elle ne soit point inquiette de Mademoiselle sa fille ; et de la maniere qu’elle parle, madite sœur vous ira voir. Vous la fâcheriez vivement et moi aussi, et même nous regarderions comme un affront, si vous ne permettiez point à Mademoiselle de Kerbabu de me faire l’honneur de me venir voir dans mon gaillardin : ma sœur auroit été elle-même, si elle montoit à cheval, pour vous la demander, et à Madame de Saint Quentin : son camarade [4] qui l’a va chercher, vous la demande très-fort.

 

Si votre santé et vos affaires vous donnent la liberté, je vous recevrai avec grand plaisir et honneur, et sans compliment, et le moins mal que je pourrai : pour au printems, je compte seurement sur Madame la Comtesse de Saint Quentin et Mesdemoiselles ses filles, que j’irai chercher.

 

Vous connoissez mes sentimens tendres pour vous, mon vieil ami, et pour tout ce qui vous regarde. D’Hautefort.

A Hauterive le 19 septembre 1725.


 

[page 3]

A Mademoiselle, Mademoiselle de Kerbabu, au château de Saint Quentin à Avranches en Normandie.

A Avranches.

 

Cette lettre est écrite de Rambouillet au mois de novembre 1725.

 

Parmi les princes et princesses, duchesses et autres, je demande avec grand empressement des nouvelles de Mademoiselle de Kerbabu, que j’honore, que j’aime et respecte. Je regrette infiniment mon gaillardin d’Hauterive : j’espere que la partie du mois d’Avril aura lieu ; en tout cas il n’y aura pas de ma faute, y étant porté de mon cœur. Je ne serai à Paris qu’à la Saint Martin ; mon adresse est rue de Varennes, fauxbourg Saint Germain. Mon fils le Chevalier de Belingant ne sera pas oublié, si j’en suis le maître. Portez-vous bien. Soyez seure de mon amitié pure et respectueuse.

D’abord que je serai dans la grande Ville, je ferai racommoder votre boëte : si cela ne se peut pas, je la troquerai, et je vous ferai bien rendre le surplus.

La misere est épouvantable, et l’on ne paye personne.


 

A la même, avec même adresse.

 

En arrivant de la campagne j’ai trouvé vos deux lettres, qui m’ont fait un vrai plaisir. J’ai été obligé de rester quelques tems à Versailles, pour une reforme dans nos compagnies ; cela ne regarde que les soldats pour le present : on enverra incessamment les ordres pour cette operation dans les ports. On nous a retranché un million : je me puis vanter que si je n’avois pas parlé vivement à Monsieur le duc, il y en auroit deux. Vous voilà instruite pour le present du courant ; avant mon départ j’espere faire mieux pour notre vieux corps, et pour les jeunes aussi : si cela ne réussit pas, ce ne sera pas ma faute. Je vous repete pour la huitième fois, que je serai chez moi dans le moi d’avril. Je ne peux tenir dans ce maudit pays ; j’y ai pourtant bonnes connoissances. Je ferai vos commissions demain, et vous serez servie de tout mon cœur. Marquez-moi si vous voulez votre tabatiere par la même voiture ; j’aurois pourtant envie de vous la garder, pour vous la rendre moi-même. Je fais partir deux faisans, mâle et femelle, je souhaite qu’ils arrivent à bon port ; les petits presents entretiennent l’amitié. Je compte rester ici sept ou huit jours, et de là à la campagne, pour éviter les complimens de la nouvelle année, que je vous souhaite des meilleures. Soyez seure de la vérité de mon cœur pour vous : nous en dirons davantage à Hauterive.

J’ai souvent des nouvelles de Brest : il en a coûté à Rochambault 400 livres pour la grâce de sa dulcinée ; c’est lui-même qui m’en a informé.

 

Ce 21 c’est decembre 1725 de Paris.


 

[page 4]

A la même, avec même adresse.

 

Vous n’aurez vos bouteilles, votre bague et votre tabac que dans quelques jours ; il y a eu du retard par le marchand qui la monte.

Si je ne vous ai pas donné de mes nouvelles, cela a été causé par des campagnes, et toujours avec mes vieux amis.

L’on a fait la reforme de quinze hommes par compagnie, ayant envoyé dans mes départemens l’ordre du Roi.

Je vais travailler avec vivacité pour une promotion ; c’est bien du Corps et de l’Etat : c’est mon dessin, croyant bien penser ; après cela je me rends chez moi, joyeux et content, pourvu que vous soyez fidèle à votre parole. Je ne doute point que ma sœur et ma nièce n’aillent à Saint Quentin, nous y attendre tous. Souvent de vos nouvelles vous sçavez l’amitié tendre et fidèle que je vous porte.

 

Ce 4 janvier, c’est 1726 de Rambouillet.

 

Je vous dirois bien quelque chose de la nouvelle année, cela est très commun.

Mandez-moi des nouvelles des faisans, et si vous les avez trouvé bons ; le tems n’a pas été propre.


 

A la même, avec la même adresse.

 

Je suis fort peu à Paris, la campagne me convient d’avantage. Le séjour que le Roi fait à Marly nous donne plus de liberté, sur tout quand on a affaire aux ministres, qu’il faut prendre en volant et sautant : je commence à être diablement las de ce maudit métier ; je vous assure que je le fais plus pour notre pauvre Corps que pour moi. Voilà peut être un recit ennuyeux, mais pardonnez-le au bon-homme d’Hauterive, qui compte vous allez voir dans le mois d’avril, avec votre permission, étant le maître et vous la maîtresse. Ce qui m’embarasse c’est la visite qu’il faudra que je rende à Monsieur Le Blanc, qui ne fera pas ma cour dans ce pays-ci.

Revenons à votre érésipele et palpitations ; je suis trop éloigné pour vous entreprendre ; ayez la bonté et amitié, ma chère demoiselle, de me faire part de l’état de votre santé ; j’y prens toute la part possible, n’en doutez point, je vous en conjure, vous aimant très-tendrement.

 

Ce 23 c’est février 1726 de Paris.

 

L’on parle de guerre contre l’Empire, l’Espagne et la Sardaigne : ils veulent nous manger. En cas de promotion, j’aurai soin, comme vous le pouvez croire, de mon fils, qui a bien fait son devoir en me souhaitant [page 5] les bonnes vêpres. Faites lui entendre si cela vous convient. Vous devez avoir reçu ma derniere. Ne prenez point les choses à gauche. Bon soir.


 

A la même, avec même adresse.

 

Je suis fort inquiet de votre santé, n’ayant reçu de vos nouvelles que depuis un très-long tems. J’en viens de recevoir de madame d’Epinay, où elle me marque qu’elle fera de son mieux pour vous aller voir incessament ; mais qu’il lui survient des affaires contre son fils, qui lui fait procès, et qu’elle espere arranger le tout, pour vous aller prendre, pour venir à Hauterive. Je passerai par chez moi ; la même compagnie y sera, à ce que j’espere. Je compte faire route pour mon gaillardin après à Saint Quentin ; les beaux jours et les chemins se trouvent dans ce tems-là. Ne soyez point paresseuse, mademoiselle, à me tirer hors d’embarras, sur tout de madame votre mère ; j’étois instruit qu’elle étoit incommodée : tout ce qui vous regarde m’interesse ; vous connoissez mon respectueux et fidèle attachement pour vous.

 

Ce 20 mars, c’est 1726 de Paris.

 

Je remettrai à Monsieur de Cany votre tabatiere ; il part incessamment pour chez vous. Bien des respects et amitiez à toute la famille : dites à mon fils qu’il se tienne prest quand il recevra mes ordres pour me mener à Saint Quentin.


 

A la même, avec la même adresse.

 

Je viens tout presentement recevoir une lettre de Madame d’Espinay, par laquelle elle m’envoye une consultation à faire aux grands et habiles medecins et chirurgiens de la cité de Paris, pour un de Messieurs les Abbez Feret son parent, qui est fort en danger ; j’ai peur qu’elle ne puisse executer son projet de vous aller voir pour vous ramener à Hauterive et Madame de Saint Quentin. Monsieur le Duc m’a demandé quand je partois ; je lui ai répondu que j’estois prest, mais que la guide des chemins me manquoit. J’espere mettre en route le 22 au plus tard pour mon gaillardin, et après pour Brest. Tout sera reglé, vous y serez la Maîtresse sans contredit. Madame votre mère, je la logerai dans ma nouvelle maison, qui est celle de feu Serquigny.

Envoyez-moi votre frère sans manquer le 25 ou 26. Tiersanville doit lui avoir mandé. Portez-vous bien ; ne doutez jamais de l’interest vif et de l’amitié très-pure que j’ai pour vous.

 

Ce 10 avril 1726 c’est de Paris.


 

A la même, avec la même adresse.

 

Vous devez avoir reçu ma derniere ; vous sçavez que vous m’avez fait esperer souvent de vos nouvelles ; je vous repete qu’elles me sont un vrai plaisir. Vos diables de postes sont si longues, que [page 6] je vous prie de ne point perdre d’occasion de m’écrire ; sur tout mandez-moi comment va votre goute et vos eaux. J’ai vu ici monsieur d’Arville, qui m’a rendu compte du départ de vos voisins : j’attens ma sœur d’Epinay et Madame de Langilfort. Vous avez grand tort de ne m’avoir pas mandé que Madame votre mère vous permettroit de venir avec elle à Brest ; toutes vos lettres me marquent le contraire ; cela n’est pas bien à vous de me tromper ; l’on peut l’estre la premiere fois ; je suis un bon diable, bien attaché à vous et de tout son cœur : de quoi vous avisez-vous de badiner sur choses qui me font de la peine. Je ne vous mande rien de Brest, vous devez en estre informée ; votre frère m’a dit qu’il vous avoit écrit le dernier ordinaire ; trouvez bon que je vous dise que je le goûte beaucoup ; demandez-moi d’où cela vient, devinez-le. L’on boit souvent à votre santé, je suis toujours des derniers à y faire raison. Je suis le seul officier general dans ce département ; le pauvre Chamelin est parti ; Dugué, pour vous plaire, est allé aux eaux de Lanion, et m’a chargé en partant de vous presenter ses respects. Je vous assure que le pauvre miserable ne se porte pas trop bien. Bon soir, ma belle Demoiselle, apprenez de moi que vous avez un serviteur très-seur à votre service, du cœur et de bourse.

 

Ce 5 juin, c’est 1726 de Brest.


 

A la même, avec même adresse.

 

Ma joye est parfaite en recevant de vos nouvelles ; soyez seure de mon attachement pour vous, les occasions vous le persuaderont, et de tout mon cœur.

 

La Croix ne me fait ni bien ni mal, honny soit qui mal y pense ; je suis ravi que vous me connoissiez ; la verité est que je vous aime, et , comme je vous dis, bien ; il faut ménager la réputation du vieillard : que de reconnoissance je vous dois ; l’on boit souvent à votre santé, je suis des premiers à y faire raison ; tous vous amis et les miens m’accablent de complimens que vous leur marquez de me faire.

 

Voilà un grand changement à la Cour ; je ne pourrai pas m’empêcher de partir d’ici pour ce païs-là dans le mois de septembre ; je comte vous aller voir et Madame d’Epinay ; je voudrois bien que vous prissiez vos mesures pour venir avec moi ; je veux devenir votre Maistre : ma sœur passera un mois à Hauterive, mandez-moi votre sentiment, et rien de caché, ce que les dames font ordinairement ; c’est leur maxime, à ce que m’avez dit, et d’autres.

 

J’ai reçu vos deux lettres, l’une du 9, et l’autre du 15. Je suis au desespoir que ma sœur n’ait point esté vous voir, nous avons tort tous les deux. Par la derniere que j’ai reçue de Monsieur de Maurepas, je croi que je serai obligé de partir pour ce païs à la fin d’aoust ; voyez s’il vous convient que j’avance ou que je recule mon voyage ; je veux bien faire avec vous, vous aimant très tendrement, faites-en de même : de la bonne santé je vous la souhaite aussi-bien qu’à moi.

Madame d’Epinay est arrivée et sa fille, il y a trois jours.

 

Ce 24 c’est juin 1726 de Brest.


 

[page 7]

 

A la même, avec la même adresse.

 

Votre derniere lettre m’a fait grand plaisir ; je ne veux point badiner avec vous sur la croix de cerf que vous m’avez envoyée, j’en reste là. Vous avez grand tort de me marquer que vous seriez venue à Brest, si Madame d’Epinay avoit été à Saint Quentin, vous sçavez le plaisir que cela m’auroit fait ; mais j’ai bien peur qu’il n’y ait de la malice dans votre lettre : n’importe, je prens tout de bon côté, vous aimant veritablement. Votre frère se porte joliment, j’en aurai soin : je n’ai que le temps de vous broüillacer, et de vous informer que le pauvre Chamelin est retombé dans sa premiere attaque d’apoplexie, presentement il est en paralysie ; c’est un homme perdu, quand même il vivroit. L’on me vient de renvoyer une de ces lettres du dixième may à mon adresse, je croi que le dedans est à mon fils ; voyez ce que voulez que j’en fasse ; je suis au fait en partie de ce que se passe dans le ménage. Bon jour, ma belle Demoiselle, vous manquez bien ici ; le peu de jours que j’ai à vivre dans cette ville, auroit esté gaillard ; vous connoissez ma fidelité parfaite pour vous et pour tout ce qui vous regarde.

 

Ce 29 c’est juin 1726 de Brest.

 

Souvent de vos lettres.


 

A la même, avec la même adresse.

Vous devez avoir reçu ma derniere, par laquelle je vous priois de vous arranger pour venir à Hauterive ; j’y passerai un mois et plus, si cela vous convient. Madame d’Epinay doit partir pour chez elle le quinze du mois d’aoust et devers la fin elle vous ira voir pour faire route au Gaillardin ; j’espere vous faire meilleure chere cette année et mieux abreuvée ; je ne vous ferai plus de complimens, je croi pourtant que vous les aimez.

Mademoiselle de Saint Laurent me dit hier au soir qu’elle me montreroit votre lettre, je m’y en vais après avoir écrit celle-ci ; je ne sçai ce qu’elle veut vous dire par ces derniers : vous m’avez fait grand plaisir de me tirer d’inquietude ; voilà comme il faut en agir avec ses amis.

Je ne vous dis rien de la ville, on vous instruit de tout ; marquez-moi comment il faut que j’écrive à Madame votre mère pour vous avoir, et sur tout conduisez-moi bien, desirant de tout mon cœur vous posseder à Hauterive. Bon jour, ma belle et gentille Demoiselle ; soyez seure et certaine de ma tendre amitié que j’aurai toute ma vie pour vous.

 

Ce 22 juillet, c’est 1726 de Paris.


 

[page 8]

 

A la même, avec la même adresse.

 

Je me tais, comme vous me l’ordonnez, je pars pour chez moi le vingt-six ; ma sœur et ma nièce comptent se mettre en route avec votre frère, Fromentiers, et le Chevalier d’Estourmel vendredy 16 et à la fin du mois vous allez voir partie de la compagnie ; faites lui réponse juste et bonne à la lettre qu’elle a eu l’honneur de vous écrire, et ne boudez pas. J’avois badiné avec Mademoiselle Saint Laurens à l’égard de ma chaise de poste ; c’est le comte d’Esnos, et vous, et Mademoiselle d’Espinay, qui m’avez dit les chemins mauvais ; souvenez-vous de l’année passée, quand vous vîntes à Hauterive. Je suis dans l’embarras de faire réjouissance de la convalescence du Roy ; j’ai fait pétarder tout le port, et feux de joye de tous les côtez. Bon soir, ne m’écrivez plus ici, je meurs d’envie de vous dire galanterie, mais je suis trop vieux ; vous connoissez mon attachement et mon amitié pour vous. Goyon sera à Hauterive ; je croi vous avoir mandé que sa nièce a épousé mon neveu d’Espinay. Quand vous ferez réponse à Madame sa mère, soyez legere pour le compliment ; elle ira chez vous, ou elle ne viendra pas à Hauterive.

 

Ce douze aoust, c’est 1626 de Brest.


 

A la même, avec la même adresse.

 

Vos deux lettres me sont venues à la fois, l’une du sept et l’autre du douze ; la deniere est pleine de colère, je n’y répons point. Ma sœur et ma nièce sont parties le dix-sept, et comptent vous voir à la fin du mois ; obéissez à ce qu’ils vous proposeront ; je vous attends à Hauterive le sept ou le huit ; je n’ai point de raisons à vous donner, que les chemins de traverse ne valent rien pour les chaises ; vous aurez la peau de mouton pour couverture ; voilà un engagement pour me faire l’honneur de venir chez moi. Birague ne sera point de la partie, mais bien Goyon et Fromentiers ; vous n’aurez point plus de mes nouvelles, partant de chez Dubois le vingt-neuf pour me rendre à mon Gaillardin.

Le Chevalier de Belingant est du voyage de Madame d’Epinay. Bon jour, ma belle Demoiselle, tranquillisez-vous, soyez seure de mon attachement, et de mon amitié très-pure pour vous. Monsieur Dugué m’a chargé de vous presenter la Floury ; il part pour Lanion dans ce moment ; toutes vos connoissances se portent bien ; l’on boit à votre santé souvent, et j’y répons foiblement.

 

Ce vingt-troisième, c’est aoust 1726 de Brest.


Voilà les lettres anterieures au mariage contracté le 17 et celebré le 19 septembre 1726.

La quittance de la dot de 75 000 livres est du 2 octobre suivant.

Voici celles écrites depuis le mariage.


 

[page 9]

 

A la même, avec la même adresse.

 

Je n’ai pas perdu un instant en arrivant à Rambouillet, à vous demander de vos nouvelles ; vous ne devez point douter un moment ma petite Reine, de ma pure et tendre amitié, et de tout mon cœur ; ma santé n’est point encore rétablie, songez à la vôtre ; ne vous alarmez pas si vite ; je vous le répete, que le mois d’avril ne me reverra pas dans ce maudit païs ; vous sçavez ce que je vous ai dit de mon arrangement ; je partirai pour Hauterive ; personne n’aura plus de mesures à garder ; je commence à être diablement las de ce maudit métier ; mais garder bien, et avec soin les papiers que je vous ai donnés, vous mettriez par là bien à la raison tous les gens qui se pourroient, avec grand tort, persuader, que je ne pouvois point par notre contrat de mariage vous donner tout mon bien ; les voilà bien éloignez de compte ; si je n’avois pas eu l’honneur de vous épouser, soyez certaine que je partirois demain. J’ai écrit à mon ami Saint Quentin. Bon soir, portez-vous bien ; je le desire de tout mon cœur ; ne doutez point de mon amitié très-pure. D’Hautefort.

 

A Paris ce 7 1726 c’est novembre.


 

A la même, avec la même adresse.

 

Vous croyiez bien que vos lettres me touchent très-fort, et que je trouve le temps bien long, n’en ayant pas reçu depuis le onze ; ne soyey point P. vous devez avoir reçu ma derniere en réponse à la vôtre, où je vous priois de me donner vos commissions, et au plutôt ; apparemment que vous êtes hors de chez vous ; donnez moi donc la consolation, Mademoiselle, de m’informer de vos nouvelles ; la mienne n’est pas encore des meilleures ; par mon régime j’espere la ratraper.

Vous aviez raison ; en arrivant à Paris j’ai trouvé ce que je croyois vous avoir donné à Hauterive ; le tout est ensemble avec notre contrat de mariage dans ma cassette avec seureté ; vous sçavez ce que je vous ai dit à Hauterive à plusieurs fois avant de vous avoir fiancée. Comme j’espere des enfans, je serai bien aise de songer à vous, n’ayant d’autre envie que de vous rendre heureuse, et que vous vouliez bien me souffrir pour le peu de temps que j’ai à vivre ; voilà mes sentimens pour vous, et soyez seure de mon amitié et de mon attachement à toute épreuve. D’Hautefort.

 

A Paris ce 27 decembre c’est 1726.

 

Vous pouvez garder votre frère jusqu’à ma premiere ; il est avec Monsieur de la Jonquiers ; il sera logé comme il l’étoit avec La Caille, et il est bien recommandé. Bon soir.


 

[page 10]

Billet de monsieur d’Hautefort, écrit et signé de sa main, du 15 decembre 1726 envoyé dans la lettre du 27 ci-dessus.

 

J’ay fait à Hauterive le memoire de tout ce qui y est ; j’ai dans ma cassette mon testament fait à Hauterive. A Brest il y a partie de ma vaisselle d’argent, et autres choses.

Le reste est bien en forme ; il faut, s’il vous plaît, prendre conseil de Madame de Saint Quentin, et de mes vieux amis, si je vous manquois. D’Hautefort.

 

Ce quinze decembre 1726.


 

A la même, avec la même adresse.

 

J’arrive de Rambouillet, où j’ai resté une quinzaine ; c’est ce qui m’a empêché de répondre à votre derniere. Ma santé est un peu meilleure : l’on m’a condamné à me mettre au bouillon amer ; j’y suis depuis huit jours, mon sang étant tres-sec ; après cela l’on me veut faire prendre du lait d’ânesse au mois de mars. En voilà assez sur mes maux. Je ne peux vous répondre positivement sur les rentes viagères pour aujourd’hui, voulant m’en informer au juste, et vous en rendre après. Ce qu’il y a de certain, princes et petites gens ont été traitez de même ; jusqu’à cette heure on n’a écouté personne ; et ils font bien, car la plupart seroient pour les gens de la Cour, et non pour la justice.

Portez vous bien, je le desire de tout mon cœur, vous aimant avec verité et sans compliment. L’on parle de guerre ; pour moi je ne le puis croire ; tous se préparent pour cela. On dit même que l’on armera au printemps sept navires à Brest, et cinq à Toulon ; je ne sçai qui en aura le commandement. Si l’on a besoin de moi, ils m’en parleront, leur ayant dit que j’allois me tranquilliser, et songer à ma santé. Adieu encore une fois.

J’attends votre réponse pour vous envoyer un jupon du même damas, et combien d’aunes.

 

Ce 31 c’est decembre 1726 de Paris.

 

Bon jour et bon an à tous. Je dois écrire un de ces jours au Bon, pour le remercier de ses perdrix.


 

A la même, avec la même adresse.

 

Je prends le moment que je peux vous écrire, étant attaqué depuis quinze jours d’une fluxion sur les yeux ; elle va mieux.

J’ai fait mettre au messager ce que vous desirez. Je plains fort les malades, dont il y a long-temps que je suis du nombre : j’espere que le [page 11] beau temps me redonnera ma santé. Me voilà chargé du commandement des vaisseaux du Roy, tant de Brest que de Toulon. Je ferai de mon mieux pour que l’on soit content de moi. Portez vous bien, continuez à avoir de la bonté pour moi et de l’amitié, et soyez sûre de la mienne. Ma vue me fait de la peine ; j’ai peur que vous ne puissiez lire mon griffonnage.

 

Ce 22 janvier 1727.


 

Les deux premieres lettres à Monsieur le Comte de Saint Quentin, sont écrites, la premiere de la main d’un secretaire, signée du Comte d’Hautefort ; la seconde est entierement écrite de sa main, et signée de lui.

Toutes les autres avec le billet ci-dessus, sont entierement écrites de la main de Monsieur le Comte d’Hautefort ; quelques-unes sans signatures, et d’autres signées. Aux lettres et à l’ecrit ci-dessus qu’il a signé, on a mis (d’Hautefort).

 

On a imprimé le tout fidélement sans commentaires, afin que le lecteur en puisse par lui-même juger plus librement.


 

Procedure faite au châtelet de Paris par devant M. le lieutenant criminel, à la requête de la Dame Comtesse d’Hautefort.

  • 14 janvier 1728. Plainte de la soustraction de son contrat de mariage, et du testament olographe de son mary, fait à Hauterive.
  • 17 dudit. Permission d’informer.
  • Information.
  • 23 dudit. Commission rogatoire au juge de Brest pour informer.
  • M. d. Pareille commission rogatoire au juge royal de Laval.
  • M. d. Permission d’obtenir, et faire publier monitoire.
  • 3 février. Monitoire obtenu.
  • 8. Premiere publication à Saint Sulpice, Saint Germain de l’Auxerois, Saint Roch, Saint Eustache et Saint Paul.
  • 15. Publication faites à Versailles.
  • 16. Commission rogatoire au juge royal de Laval pour dresser procès verbal de l’état des registres des baptêmes, mariages et sepultures de la paroisse d’Argentré de l’année 1726.

 

Procedure du marquis d’Hautefort au parlement.

  • 18 février 1728. Arrest qui reçoit le marquis d’Hautefort appellant de la procedure du Châtelet, et comme d’abus de l’obtention et publication de [page 12] monitoire ; que les charges seront apportées, toutes choses demeurant en état.
  • 18 février 1728. Compulsoire de la minute du monitoire.

 

Procedure à Laval.

La Dame Comtesse de Saint Quentin a appris par bruit public qu’à la fin de janvier ou au commencement de février 1728 un officier de marine a été de Paris à Laval en poste avec une procuration de Monsieur d’Hautefort, qu’il a rendu une prétendue plainte au juge de la seigneurie de Laval, fait informer et decreter de prise de corps la Comtesse d’Hautefort, avec sureté au juge qu’il seroit bien soutenu. Le même officier a raporté le decret en poste le 14 février. Ce que la Dame Comtesse de Saint Quentin sçait surement, est que le lendemain dimanche 15 sortant du service des Carmes, rue de Vaugirard, sur les cinq heures du soir, la dame sa fille lui a été arrachée de son carosse, et traînée dans un fiacre, sous prétexte d’un ordre du Roy, sans vouloir souffrir que la femme de chambre qui étoit dans le carosse, suivît sa Maîtresse ; et ayant voulu faire suivre son carosse, pour sçavoir ce que devenoit sa fille, ceux qui l’enleverent menacerent le cocher et le laquais de tirer sur eux, s’ils suivoient, dont elle a rendu plainte le même jour 15 février, sans que l’on sçache ce qu’est devenuë depuis un mois la Comtesse d’Hautefort sa fille : mais ayant entendu dire par bruit public que l’objet de ce prétendu decret de prise de corps avoit été de mener la Dame Comtesse d’Hautefort sa fille en poste à Laval proceder sur le champ à l’interrogatoire, recolement, confrontation et condamnation en poste, avant qu’on pût sçavoir ce qu’elle étoit devenue, et qu’elle pût avoir conseil.

 

Procedure au Parlement.

La dame comtesse de Saint Quentin a donné à maître Camus, procureur en la cour, un pouvoir en vertu duquel il a obtenu arrest le 20 février 1728 qui reçoit la Dame Comtesse d’Hautefort appellante, et ordonne que les charges et informations seront apportées.

Un exprès a été à Laval, il a fait signifier ledit arrest au greffier, avec commandement le 28 dudit mois de février : les informations du châtelet de Paris et de Laval, étant au greffe, la Dame Comtesse de Saint Quentin espere de la justice de la cour un arrest de défenses.

1o Procedure recriminatoire. 2o Point de délit. 3o Juges incompetens. 4o Nulle matiere à decreter de prise de corps la Dame Comtesse d’Hautefort. 5o Procedure precipitée d’une violence et d’une cruauté sans exemple.

 

Camus, procureur.

 

De l’imprimerie d’André Knapen, au bout du pont Saint Michel, 1728.


[1Il est beau père de mademoiselle de Kerbabu.

[2C’est une sœur de monsieur le comte d’Hautefort.

[3C’est le frère de mademoiselle de Kerbabu.

[4C’est mademoiselle d’Espinay.