Armorial du Vaumeloisel (Introduction)
Lundi 3 novembre 2008, texte saisi par
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Paul du Breil de Pontbriant, Revue Historique de l’Ouest, 1894, p. 5, 333, 343 ; 1895, p. 78, 117.Citer cet article
Paul du Breil de Pontbriant, Revue Historique de l’Ouest, 1894, p. 5, 333, 343 ; 1895, p. 78, 117, 2008, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 16 octobre 2024,www.tudchentil.org/spip.php?article545.
Encore un ancien armorial breton [1]
Il s’agit cette fois d’un anonyme, et ce n’est pas sans regret que nous avons dû renoncer à déterminer la personnalité d’un homme qui fut, ce nous semble, un chercheur et un érudit de premier ordre. - Quelques mots du moins sur l’œuvre, puisque, malheureusement, nous ne pouvons à peu près rien dire de l’auteur.
Le manuscrit que nous avons eu la bonne fortune de rencontrer aux archives du Vaumeloisel [2], en Saint-Potan, n’est autre qu’un exemplaire de Guy Le Borgne, dont toutes les marges ont été couvertes d’annotations serrées, avec addition de nombreuses pages intercalaires. Cependant, il ne faudrait pas croire que l’auteur ait eu simplement en vue de compléter ou de corriger le texte de l’Armorial breton, car, s’il en laisse subsister quelque chose, il ne se fait pas faute de le raturer très peu respectueusement, si bien que la plupart des articles se trouvent sensiblement modifiés, sans parler de ceux, en plus grand nombre encore, qui sont absolument nouveaux.
A quelle date écrivait cet anonyme ? C’est ce qu’on peut établir, à quelques années près, en remarquant qu’il mentionne la vente des seigneuries du Guildo et de Tréméreuc, faite par François de Cahideuc à René de Pontual en 1690, et que, d’autre part, il qualifie encore de lieutenant-général de vaisseaux le marquis de Châteaurenault qui fut créé vice-amiral en 1701 et maréchal de France en 1703 ; c’est donc entre 1690 et 1701 [3], qu’il faut replacer la rédaction d’un travail, résumant probablement des recherches plus ou moins antérieures, recherches dont la somme est considérable, pour ne pas dire immense.
Nous ne sommes en effet nullement en présence d’une compilation ou d’une reproduction quelconque des arrêts de la Réformation. L’auteur néglige au contraire à peu près complètement les sentences du grand tribunal de 1668 ; il puise directement ses informations dans l’histoire, dans les titres soigneusement compulsés de nos archives publiques et particulières, enfin dans de précédents travaux héraldiques sur lesquels nous reviendrons un peu tout à l’heure. Il recueille tous les noms nobles que lui fournissent ces différentes sources, que ces noms soient éteints ou encore existants à son époque, et il en exhume ainsi un assez grand nombre qu’on ne trouve, à notre connaissance, mentionnés nulle part ailleurs.
Sauf de rares exceptions, il s’abstient de toute appréciation personnelle, mais il énumère, quelquefois assez longuement, les documents relatifs aux personnages les plus anciennement connus ou les plus marquants de chaque famille, un peu à la manière dont a procédé notre éminent et regretté Courcy, et souvent il souligne ses indications de ce mot qui leur donne une valeur spéciale : Vidi.
Il suit encore avec un soin particulier la transmission de certaines terres importantes d’une famille à une autre, surtout quand il y a extinction du nom des premiers possesseurs ; mais le point auquel il s’attache davantage est la détermination des armoiries, marquant toujours scrupuleusement ce qui lui paraît n’avoir qu’une certitude relative. Il a relevé et nous décrit minutieusement presque tous les anciens sceaux connus, ce qui suppose qu’il a du dépouiller, entre autres, la plus grande partie de notre Chambre des comptes, car il ne faut pas oublier qu’il écrivait une dizaine d’années avant les premières publications de nos grands Bénédictins. Il n’y a là, cependant, qu’un intérêt de priorité, pour tout ce qu’ont donné depuis dom Lobineau et dom Morice ; mais il n’en est pas de même pour des sceaux totalement inédits, non plus que pour des écussons décrits d’après des tombeaux, des vitraux et autres monuments aujourd’hui disparus ; renseignements précieux dont notre manuscrit nous fournit une très importante série.
Enfin, si l’Anonyme du Vaumeloisel a beaucoup travaillé, beaucoup recueilli par lui-même, il n’a pas négligé non plus d’autres éléments d’information auxquels nous avons déjà fait allusion et qui nous arrêteront un instant : nous voulons dire les travaux de certains contemporains ou devanciers plus ou moins ignorés, et avec lesquels il est intéressant de faire quelque peu connaissance.
C’est ainsi que, après Du Paz, le marquis du Refuge et Missirien, sur lesquels nous n’avons rien à apprendre, il se réfère souvent d’un vieil armorial [4], non autrement désigné, dont nous regrettons encore le caractère anonyme. Puis viennent des noms qui méritent d’être recueillis : ainsi ceux de M. de la Bourdonnaye de Couëtion et de M. de Langle de Kermorvan, deux des commissaires à la réformation de 1668 ; le premier est cité de manière à confirmer pleinement l’attribution que nous lui avons faite autrefois dans cette Revue [5], et, pour le second, s’il n’est question que de communications verbales, il semble bien qu’elles sont faites d’après un recueil dont on n’a peut-être pas oublié que nous soupçonnions déjà l’existence [6]. Voici ensuite un certain M. Mahé, dans lequel nous ne serions pas éloigné de voir l’abbé Jean Mahé, celui-là même qui tint la plume pour M. de Coëtion [7], et qui, instruit à cette école, aurait continué depuis, en son nom propre, les mêmes travaux héraldiques.
Quelques renseignements sont encore empruntés au sieur Gault ou du Tertre-Gault : mais les autorités de beaucoup les plus appréciées sont M. le baron du Vieuxchastel et M. de Molac dont les Mémoires généalogiques (pour le dernier l’auteur dit aussi : l’Armorial) sont cités à chaque page avec une considération particulière.
M. de Molac, que nous ne connaissons pas autrement comme auteur [8], mais dont l’œuvre doit avoir été de grande valeur, était, selon toute apparence, Sébastien de Rosmadec, marquis de Molac, gouverneur de Nantes et lieutenant-général en Bretagne [9], né vers 1630, marié, en 1655, à Renée Budes, dame de Sacé, et dont La Colombière présageait ainsi les futures qualités : « ...et est à présent (1644) dans l’Académie du sieur Arnolfiny, et puis dire avec vérité qu’il donne autant d’espérance de son esprit, de son courage et de sa piété qu’aucun de sa condition [10]. »
Quant aux deux autres, nous sommes au moins fixé sur leur personnalité par ce passage élogieux du même La Colombière : « Ayant veu toutes les recherches très curieuses de messire Pierre de Lannyon, baron du Vieuxchastel [11]... et de Jean Gault, escuyer, sieur du Tertre et de la Vallière, conseiller du Roy et son lieutenant à à Ploërmel, qui sont très sçavants et ont de très grandes et curieuses recherches de la province de Bretagne [12], etc... »
Si ces très grandes et curieuses recherches sont perdues pour nous, comme on a lieu de le craindre [13], il est d’autant plus intéressant d’en retrouver quelque chose dans les extraits qui vont suivre.
Il n’est pas besoin de dire que nous ne donnons ici qu’une assez faible partie du manuscrit, nous bornant aux articles qui présentent quelque chose d’inédit, comme armoiries nouvelles ou variantes d’armoiries, descriptions de sceaux ou ou d’écussons tirés de monuments divers, analyse d’actes peu ou pas connus ; encore quelques-uns de ces articles étant assez étendus, sans offrir le même intérêt dans toutes leurs parties, nous les avons quelquefois abrégés en l’indiquant par etc. - Quand le texte de Guy Le Borgne a été plus ou moins respecté, nous le marquons par ces mots : Additions ou corrections à G. Le B. - On remarquera aussi assez souvent des points suspensifs, qui tiennent, soit à des déchirures ou altérations du texte, soit à des blancs laissés par l’auteur lui-même, comme il arrive fréquemment, surtout pour des dates ou des indications de lieux. - Enfin nous avertissons le lecteur que nous n’avons pas cru devoir signaler, sauf de rares exceptions, ce qui se trouve d’erroné ou de controversable dans certaines dates ou certaines assertions, que nous laissons subsister sans correction et et d’ordinaire sans observation, n’ayant pas voulu entrer dans des discussions qui nous eussent entraîné au delà de toutes bornes.
Vte du Breil de Pontbriand.
[1] NdT : Il s’agit du titre original.
[2] Le château du Vaumeloisel, ancienne propriété de la famille des Nos, a depuis appartenu, pendant plusieurs siècles, à une branche de la maison de Gouyon, d’où il est venu par alliance à celle de Mouësan qui le possède aujourd’hui. Faut-il attribuer notre armorial à quelque membre de la famille de Gouyon ? La supposition semble assez naturelle, quoique rien ne la confirme autrement.
[3] Nous pensons même que des phrases comme celles-ci : « ...appartient, l’an 1691, à escuier François Le Douarain. » (Art. Lémo). « M. Louis de Langle, seigneur de Kermorvan, possède la terre de Guennanec, 1693 » (Art. Monnier), donnent la date même à laquelle elles furent écrites.
[4] Il semble même que, sous cette désignation, l’auteur ne se réfère pas toujours au même ouvrage.
[5] Un armorial breton du XVIIe siècle. NdT : cet armorial est consultable sur Tudchentil.net.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Mme la comtesse de la Motte-Rouge, dans son bel ouvrage, les Dinan, cite bien l’Armorial de Molac, mais seulement d’après notre manuscrit.
[9] S’il s’agissait de quelqu’un de ses prédécesseurs, La Colombière aurait certainement eu connaissance de son œuvre, et n’aurait pas manqué de lui en faire honneur.
[10] Généalogie de la maison de Rosmadec, p. 31.
[11] Pierre de Lannion, baron du Vieuxchâtel, marié, en 1630, à Renée, dame d’Arradon, fils de François de Lannion, seigneur de Quinipily, et de Renée de Quélen, dame du Vieuxchâtel.
[12] Généalogie de la maison de Rosmadec, p. 33.
[13] Il subsiste cependant de Gault du Tertre une généalogie manuscrite de la famille Picaud à laquelle il était allié, généalogie dont l’authenticité est attestée en ces termes par un autre maître dans les mêmes matières, René de Bruc de Montplaisir : « La présente généalogie a esté dressée, en l’an 1643, par feu messire du Tertre-Gault, conseiller et lieutenant de Ploërmel, qui en auroit faict don à moi soubsigné, sieur de Bruc, et, en l’an 1649, j’en ay faict présent à Monsieur de la Tousche-Picaud, etc... J’ay signé à Bruc le XIXe octobre mil six cent quarante-neuf. Signé : René de Bruc. » Nous ne voyons pas du moins qu’il y ait de doute possible sur l’identité du personnage, quoique l’auteur y soit dénommé Charles (en non Jean) Gault, dans ce passage qui ne peut s’appliquer qu’à lui, mais qui ne montre pas que la modestie fut le premier de ses mérites : « ... escuier Charles Gault, sieur du Tertre-Vallière et de Braudeseuc, à présent conseiller du Roy, lieutenant et juge ordinaire à Ploërmel..., que toute la province de Bretaigne recoignoit pour juge aultant incorruptible que profond en toutes littératures, spécialement en celle des dédales et labyrinthes généalogiques des maisons nobles de la Province, dont il possède des recherches qui donneront au jour de très beaux éclaircissements à la postérité. »
Cette généalogie, provenant des archives du château de Quéhéon, se trouve aujourd’hui à celles du Crévy (Morbihan) ; quant à son auteur, issu d’une famille originaire du Maine, il était fils de Guillaume Gault, écuyer, seigneur du Tertre, et de Marguerite de Porcon, et cousin au quatrième degré de Jean-Baptiste Gault, évêque de Marseille, mort, en 1642, en réputation d’une éminente sainteté.